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"Je cherche à transmettre cette entreprise dans les meilleures conditions.”

Spécialité
Travaux de charpente
Ville
Requeil (72)
Chiffre d'affaires
16 M€
Sommaire

Portrait

Nom
Jean-Claude Baudin
Entreprise
Charpente Cénomane
Fonction
Dirigeant

En résumé

Jean-Claude Baudin a bâti son entreprise sur une vocation précoce et une conviction profonde : le bois comme matériau d'avenir. À 9 ans déjà, ce dirigeant de Charpente Cénomane rêvait de devenir charpentier. Aujourd'hui, son entreprise sarthoise réalise des chantiers emblématiques aux quatre coins de la France, du théâtre éphémère de la Comédie-Française jusqu'à Mayotte, tout en formant la nouvelle génération d'artisans du bois.

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Des chantiers qui marquent les esprits

Quel chantier vous a le plus marqué ?

Le théâtre éphémère de la Comédie-Française en 2012. On a construit un théâtre provisoire dans le Palais Royal, juste à côté des colonnes de Buren. C'était incroyable parce qu'on avait un environnement très contraint et on a réalisé ça en 4 mois seulement. Ils ont même commencé les répétitions alors que le théâtre n'était même pas encore terminé.

Comment travaillez-vous sur de tels projets ?

Ce qui fait la force de la construction bois, c'est la construction hors site. On préfabrique beaucoup en atelier, on se prépare et du coup ça fait des chantiers propres et rapides. À la Comédie-Française, ça avait été comparé à des Legos - mais des gros Legos : des panneaux de 4 tonnes qui font 12 mètres de haut par 4 mètres de large.

Que deviennent ces bâtiments éphémères ?

Le théâtre de la Comédie-Française, on l'a démonté, on l'a envoyé à Genève et il a été remonté pour faire un opéra éphémère. Le même bâtiment a eu deux vies et ça, c'est vraiment possible qu'en bois. En ce moment, on a aussi 'Les Étincelles', le bâtiment éphémère du Palais de la Découverte à Paris, qui fonctionne depuis 5 ans alors qu'on aurait dû le démonter l'an dernier.

L'aventure Mayotte : quand l'audace paie

Comment en arrive-t-on à travailler à Mayotte ?

Quand un architecte m'a invité à répondre à Mayotte, c'était un peu l'inconnu. Je n'étais jamais allé sur l'île, je ne connaissais pas. Si j'avais pris tous les renseignements qu'il fallait prendre avant d'accepter ce marché, je pense qu'on n'y serait pas allé. Il faut en savoir assez mais pas trop, sinon on ne part pas.

Quel est ce projet mahorais ?

C'est le lycée des métiers du bâtiment pour le rectorat. C'est tout un symbole : c'est dans ce lycée que les jeunes seront formés pour devenir charpentier, maçon... À terme, ce sera le plus grand lycée de France avec plus de 2000 élèves. Il y a une vingtaine de bâtiments, on en réalise la moitié en bois.

Comment avez-vous vécu le cyclone Shido ?

On a subi Shido le 15 décembre dernier. C'est pas mal comme galère ! Mais nos bâtiments ont tenu, c'est une grande satisfaction parce qu'ils ont été testés en grandeur nature. Par contre, on a été pillé.

Crédit photo : © David Piole

Les défis d'une croissance autofinancée

Quelles sont vos principales difficultés aujourd'hui ?

La première difficulté, c'est évidemment les délais de paiement. Je passe beaucoup trop de temps à essayer de me faire payer par mes clients. C'est une dérive qu'on observe depuis des années, que ce soit privé ou public. C'est dramatique.

Comment financer la croissance ?

Étant donné qu'on s'est développé par nous-mêmes - de 0 à 100 personnes en 30 ans - et comme on ne gagne pas énormément d'argent, c'est compliqué de se développer. Je n'ai jamais distribué de dividendes, on a tout gardé précieusement pour nous développer, mais c'est trop peu. Compte tenu de l'importance des chantiers, on a besoin de fonds propres beaucoup plus importants.

Vous cherchez donc un repreneur ?

Depuis un an ou deux, je cherche à transmettre cette entreprise dans les meilleures conditions. Je cherche à l'adosser si possible à un groupe financièrement solide. Pour tout vous dire, je n'ai pas trouvé encore. Ça reste assez compliqué.

Crédit photo : © David Piole

Une renaissance après l'épreuve

Avez-vous traversé des moments difficiles ?

En 2005, on a été obligé de passer par un redressement judiciaire. L'entreprise avait donc 10 ans. C'était vraiment très difficile parce que vous vous retrouvez un peu seul. En France, contrairement à d'autres pays, vous êtes montré du doigt. On est au fond du gouffre et ça a été très compliqué, y compris sur un plan personnel.

Comment avez-vous rebondi ?

À un moment donné, j'ai dit : on va reprendre, on va continuer et on va rembourser nos dettes. On est parti en plan d'apurement pendant 10 ans et on a tenu le coup jusqu'en 2015. On a remboursé toutes nos dettes. C'est très satisfaisant d'un point de vue personnel.

La transmission au cœur de l'ADN

Quelle est votre plus grande fierté ?

Ce qui nous importe, c'est de former des jeunes. C'est viscéral parce que moi je viens de là, j'ai été apprenti. L'entreprise donne sa chance à tout un tas de jeunes depuis toujours. On a au moins une dizaine d'alternants en permanence. Je pense qu'on a dû former entre 150 et 200 jeunes en 30 ans.

Que deviennent ces apprentis ?

Il y en a qui restent et le gros de la troupe qui réalise des chantiers, ce sont des apprentis devenus experts. J'ai connu des gamins de 17-18 ans, aujourd'hui ce sont des pères de famille très aguerris, avec beaucoup d'expérience. Ils sont très bons et ça, c'est une véritable fierté.

Pourquoi avoir choisi le statut d'entreprise à mission ?

Je suis persuadé qu'une entreprise ne peut pas se satisfaire que d'être rentable. La rentabilité est nécessaire, mais ça ne suffit pas. L'entreprise doit être utile à la société. On construit des écoles, des logements, des choses utiles à la société. Si on me proposait de fabriquer une usine d'armement, je n'irais pas.

L'innovation technologique au service du métier

Comment la technologie a-t-elle transformé votre métier ?

Il y a 25 ans, deux choses sont arrivées en même temps : la DAO - on a commencé à dessiner nos chantiers en trois dimensions - et l'arrivée des machines à commande numérique. Ça a complètement changé le métier. Avant, il fallait tout transporter à la main, il y avait énormément d'efforts physiques. Ceux qui ont fait ce métier avant cette période finissaient souvent leur carrière en miettes.

Quel impact sur la qualité ?

La machine taille chaque morceau de bois un par un avec une grande précision. On a énormément amélioré le produit. La construction bois est devenue hyper fiable. Ce qu'il faut mesurer, c'est qu'il y a 25 ans, ça a changé un métier qui n'avait pas bougé depuis 2000 ans. Quand j'ai commencé à apprendre le métier, je taillais des charpentes comme 2000 ans avant, à la main.

Crédit photo : © David Piole

L'engagement environnemental, une évidence

Quel est votre bilan carbone ?

On vient de faire notre bilan carbone 2024 et figurez-vous qu'on est en crédit carbone. C'est extraordinaire ! Par notre nature et ce qu'on fait, on stocke le carbone durablement avec le bois dans les bâtiments. Les grands groupes annoncent une neutralité carbone à l'horizon 2035 ou 2050, et nous, en 2024, on est en crédit carbone.

Le bois, un matériau d'avenir ?

C'est le seul matériau de construction renouvelable à l'infini si on fait attention de ne pas couper plus qu'il ne pousse. On emploie 50% de bois français et les 50% autres viennent de pays proches en Europe avec la garantie d'une gestion durable. On est certifiés PEFC, c'est une chaîne de contrôle qui assure au client final une traçabilité.

Une entreprise familiale tournée vers l'avenir

Vos enfants travaillent-ils avec vous ?

C'est une très grande satisfaction personnelle de pouvoir travailler avec ses enfants. Quand mon associé est parti, c'est mon fils qui a racheté ses parts. Il est ingénieur bois, il a fait de grandes études. Ma fille a fait des études de droit et elle est office manager - elle assiste le service commercial, le service travaux, fait un peu de RH.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune dirigeant ?

Il faut financer le développement. C'est très compliqué aujourd'hui de faire sans ça et c'est un peu mon regret de ne pas avoir cherché plus tôt des investisseurs pour financer la croissance. Les rentabilités dans le bâtiment sont assez faibles. Quand on a gagné deux ou trois points de marge, on est les rois du monde ! Il faut s'entourer de gens parce que tout seul on ne fait pas grand-chose.

L'essence même de votre métier ?

Nous, on coupe les bouts de bois. Il y a beaucoup de gens qui travaillent sur ordinateur qui font de beaux dessins, et tant qu'on fait des traits, ça va toujours. Mais nous, les bouts de bois, il faut les couper à la longueur et les mettre en place. Ça change complètement la donne en termes d'engagement. J'envoie 10-12 équipes de trois personnes sur la route tous les lundis matin. On prend énormément de risques. Au quotidien, c'est engageant.

Une vocation née de l'enfance et forgée par l'excellence

Comment devient-on charpentier ?

C'est une vocation très précoce. À l'âge de 9 ans, j'ai voulu être charpentier et ça ne m'a jamais quitté. Cette passion précoce m'a amené naturellement vers le Tour de France des Compagnons du Devoir. Je recherchais l'excellence en plus d'être charpentier. J'ai été reçu compagnon charpentier puis prévôt au Mans - c'est-à-dire responsable de la maison des compagnons pendant trois ans et demi.

Comment naît Charpente Cénomane en 1995 ?

On était deux, on est parti d'une page blanche avec Patrick Jouenne, rencontré au Mans. On a été ensemble 20-25 ans avant de nous séparer il y a 5 ans environ. Le nom Cénomane, c'était l'idée d'ancrer l'entreprise sur Le Mans - c'était le nom de la ville au temps des Gallo-Romains.

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