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"On va là où on ne nous attend pas"

Spécialité
Travaux Publics
Ville
Pouydesseaux (40)
Chiffre d'affaires
14 M€
Sommaire

Portrait

Nom
Régis Roy et Arnaud Daret
Entreprise
Roy Travaux
Fonction
Fondateur et Directeur commercial

En résumé

Régis Roy, fondateur de Roy Travaux, et Arnaud, son directeur commercial, dirigent ensemble la plus grosse entreprise de travaux publics indépendante du département. En 27 ans, cette PME familiale de 115 salariés a su évoluer du statut d'artisan local à celui de concurrent sérieux des grands groupes nationaux, tout en conservant son agilité et sa proximité client.

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Le jour où ils ont appris à parler la même langue

Comment s'est construite votre collaboration ?

Arnaud Daret : Au début, nous ne parlions pas du tout le même langage. J'avais l'approche commerciale, Régis maîtrisait parfaitement la technique et l'entrepreneuriat. Nous avons appris à travailler ensemble, chacun montrant ses compétences, et au bout de 4-5 ans, la collaboration a vraiment pris. Nous comprenons désormais l'intérêt mutuel de notre association.

Régis Roy : J'ai recruté Arnaud en sachant qu'il nous fallait un commercial, mais sans vraiment saisir l'intérêt à court terme. Mais je pressentais que nos métiers allaient évoluer et qu'il faudrait mettre en avant notre savoir-faire plutôt que nos produits. La collaboration a vraiment pris en 2023, en pleine crise, quand nous avons compris l'intérêt de nos méthodes commerciales complémentaires.

Crédit photo : ©Cyrille Vidal

Quels sont vos rôles respectifs au quotidien ?

Régis Roy : Mon rôle a considérablement évolué avec la croissance de l'entreprise. Auparavant, j'étais omniprésent : je gérais tout, des clés des locaux aux décisions opérationnelles quotidiennes. Cette approche est devenue contre-productive à mesure que nous développions nos sites et carrières. D'une part, c'était matériellement impossible à tenir, d'autre part, cette centralisation bridait l'autonomie de mes collaborateurs qui préféraient s'adresser directement à moi plutôt qu'à leurs responsables hiérarchiques. Aujourd'hui, je me concentre sur la supervision du bureau d'études, l'orchestration des synergies entre nos équipes travaux et commerciales, et la sécurisation de notre carnet de commandes. Je conserve la responsabilité de la gestion financière et participe aux ressources humaines. Mon rôle principal reste celui d'un dirigeant visionnaire, concentré sur le développement stratégique de l'entreprise.

Arnaud Daret : Ma mission s'articule autour de la prospection et du développement commercial. Je consacre une part importante de mon temps à la veille du marché et au développement de notre réseau professionnel. L'enjeu principal, c'est d'aller chercher des projets là où on ne nous attend pas, où nous ne sommes pas spontanément consultés. Notre stratégie repose sur l'identification d'opportunités auprès de donneurs d'ordre qui travaillent habituellement avec des entreprises nationales. C'est ainsi que nous avons conquis des enseignes comme Aldi ou Burger King, en démarchant directement ces clients qui ne nous connaissaient pas. Ces succès illustrent notre capacité à nous imposer sur des marchés où nous n'étions pas attendus, en valorisant notre expertise et notre réactivité d'entreprise régionale.

Comment définiriez-vous l'activité de Roy Travaux aujourd'hui ?

Régis Roy : Roy Travaux est historiquement une entreprise de travaux publics, mais cette appellation reste souvent floue pour nos interlocuteurs. Notre activité s'articule autour de trois missions principales. Premièrement, nous analysons et définissons les besoins de nos clients, un rôle de conseil qui s'est développé ces dernières années. Deuxièmement, notre bureau d'études traduit leurs projets en solutions techniques réalisables. Troisièmement, nous exécutons les travaux sur le terrain. Notre clientèle se compose à 80-85% d'entreprises industrielles, au sens large du terme : cela va du boulanger local aux grandes plateformes logistiques, dont certaines représentent jusqu'à 3 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel chez nous. Nous nous spécialisons dans tous les aménagements extérieurs à vocation industrielle ou semi-industrielle : voiries, réseaux, terrassements, espaces de stockage. Le secteur du particulier représente une part marginale de notre activité car ce n'est pas notre domaine d'expertise. Aujourd'hui, avec 115 collaborateurs, nous avons évolué : nous ne sommes plus des artisans traditionnels sans pour autant être un grand groupe. Notre stratégie consiste à industrialiser nos méthodes de travail tout en conservant notre agilité d'entreprise indépendante.

Crédit photo : ©Cyrille Vidal

Résilience et crises surmontées

Quelles ont été vos principales difficultés ?

Régis Roy : Nos principales difficultés sont liées à une croissance trop rapide qui nous a contraints à repenser entièrement notre organisation. La transition du mode artisanal vers une structure semi-industrielle a nécessité un apprentissage de la délégation que je ne maîtrisais pas. Habitué à tout contrôler, j'ai dû faire confiance à mes collaborateurs, avec des résultats parfois décevants qui ont remis en question cette approche. La période post-Covid a ajouté une complexité supplémentaire : nos interlocuteurs prenaient des semaines pour valider des décisions, paralysant l'avancement des projets. Cette lenteur administrative s'est doublée d'une crise des matières premières liée au conflit ukrainien. Nous avons subi des augmentations de 100 à 400% sur certains produits, alors que nos contrats déjà signés ne prévoyaient que des révisions de prix limitées à 3% par an. Le bitume, par exemple, est passé de 53 à 145 euros la tonne. Cela nous a menés au bord de la fermeture. Notre survie tient au fait que j'avais anticipé ces difficultés en constituant des réserves financières les années précédentes. Sans cette précaution, l'entreprise n'aurait probablement pas résisté à cette tempête.

Arnaud Daret : Notre approche commerciale a radicalement évolué ces dernières années. Historiquement, notre principal défi consistait à gagner la confiance d'une clientèle industrielle qui se tournait spontanément vers les grandes entreprises nationales, sans considérer les acteurs indépendants régionaux comme nous. Aujourd'hui, le contexte s'est inversé. Nos clients potentiels nous connaissent et reconnaissent notre expertise, mais ils peinent à concrétiser leurs projets. Face aux incertitudes économiques et politiques actuelles, beaucoup adoptent une attitude attentiste qui paralyse leurs investissements. Notre rôle a donc évolué : nous sommes devenus des facilitateurs de projets. Nous accompagnons nos clients dans la recherche de financement, nous les mettons en relation avec des partenaires techniques ou financiers, nous les aidons à structurer leurs projets pour les rendre réalisables. Cette approche conseil nous permet de débloquer des situations complexes et de maintenir notre activité dans un environnement économique difficile.

Avez-vous des difficultés de recrutement ?

Régis Roy : La situation du recrutement a paradoxalement évolué. Il y a six mois, nous avions effectivement des difficultés à recruter. Aujourd'hui, avec la conjoncture économique difficile, les projets se raréfient et nous devons adapter nos effectifs à la baisse d'activité. Nous n'avons donc plus les mêmes tensions sur le recrutement. Mais cette situation cache un vrai risque : nous craignons de voir partir des collaborateurs expérimentés vers d'autres secteurs moins impactés par la crise. C'est exactement ce qui s'est passé lors des précédentes crises, en 1992 et 2008. Le problème, c'est qu'après, quand l'activité repart, nous manquons de main-d'œuvre qualifiée.

Arnaud Daret : C'est pourquoi nous maintenons notre politique d'apprentissage malgré le contexte. Nous accueillons encore des apprentis cette année, dans tous les domaines : de la mécanique à la comptabilité, de la comptabilité aux postes de chef d'équipe. Notre stratégie consiste à former en interne et à faire évoluer nos collaborateurs plutôt que de recruter uniquement à l'extérieur.

Crédit photo : ©Cyrille Vidal

Avez-vous des chantiers emblématiques dont vous êtes fiers ?

Régis Roy : Pour nous, tous les projets comptent, qu'ils représentent 3 000 ou 500 000 euros. Cette philosophie guide notre approche au quotidien. Nous avons plusieurs chantiers qui nous tiennent à cœur. Actuellement, nous travaillons sur la reconversion d'un ancien hôpital psychiatrique à Mont-de-Marsan pour créer une nouvelle structure de soins, plus moderne et plus petite. Ce projet nous tient particulièrement à cœur car il se situe à 2 km de nos locaux, sur notre territoire d'origine, et il s'agit d'un équipement qui servira durablement à la population locale. C'est aussi un beau marché financièrement. Notre force, c'est cette diversité de clientèle locale qui représente 80% de notre chiffre d'affaires. Nous travaillons aussi bien pour un boulanger que pour une grande plateforme logistique, et nous traitons chaque projet avec la même attention.

Transformation digitale et outils

Comment intégrez-vous les nouvelles technologies et la digitalisation ?

Régis Roy : Nous abordons la digitalisation par étapes, en commençant par les aspects les plus concrets. Sur le matériel, nous avons investi dans des équipements qui améliorent le confort de conduite et réduisent les risques physiques. Nos problèmes de dos ont considérablement diminué ces derniers mois grâce à ces améliorations. Côté outils numériques, j'utilise beaucoup l'intelligence artificielle - environ 3 heures par jour. C'est un outil formidable : disponible 24h/24, toujours de bonne humeur, qui ne se fatigue jamais. Nous utilisons également des technologies de relevé avancées : GPS, photogrammétrie, drones, avec des machines équipées en 2D et 3D. Le revers de la médaille, c'est que nos collaborateurs perdent parfois les compétences de base et deviennent trop dépendants de ces outils. Récemment, nous avons aussi équipé nos chefs de chantier de tablettes. Cela responsabilise nos équipes sur la rigueur du travail et leur donne une vision du suivi financier des projets.

Arnaud Daret : Les tablettes ont aussi créé un lien inattendu avec nos équipes sur le terrain. Avant, nos collaborateurs venaient faire leur rapport au bureau sans forcément détailler leur journée. Maintenant, comme ils ne maîtrisent pas encore totalement ces nouveaux outils, ils viennent naturellement demander des informations, ce qui crée des échanges qu'on n'avait pas avant. Nos responsables d'exploitation se déplacent aussi plus facilement sur les chantiers pour les accompagner. Et surtout, les équipes remontent maintenant les problèmes directement via l'application, ce qui améliore notre réactivité et crée un vrai dialogue entre le terrain et le bureau.

Crédit photo : ©Cyrille Vidal

Pourquoi avoir intégré la communication en interne avec Victoria ?

Régis Roy : Nous avons recruté Victoria Strullu il y a plus d'un an après avoir testé une agence externe. Le problème avec les prestataires extérieurs, c'est qu'ils appliquent les mêmes méthodes partout. Comme je le dis toujours : "La personne externe, elle amène ce qu'elle fait chez les autres chez nous, et elle amène ce qu'elle fait chez nous chez les autres. Victoria, ce qu'elle fait chez nous, elle le fait chez nous uniquement." Son profil nous intéresse particulièrement car elle apporte un regard neuf sur notre communication. Je dois avouer que ce poste me questionnait au début - je suis pragmatique, j'aime mesurer les résultats chiffrés, ce qui est difficile en communication. Mais quand des prospects nous disent "J'ai vu que vous avez réalisé tel chantier", on comprend l'impact.

Arnaud Daret : Avant Victoria, notre visibilité se limitait à nos camions sur les routes, donc très locale. Aujourd'hui, grâce aux réseaux sociaux comme LinkedIn, nous touchons bien au-delà de notre zone géographique. Nous communiquons sur la diversité de nos métiers et mettons en avant nos équipes. Même si nous ne sommes pas physiquement présents partout, nous restons dans l'esprit de nos interlocuteurs.

Stratégie commerciale et conquête de nouveaux marchés

Comment voyez-vous votre entreprise dans 5-7 ans ?

Régis Roy : Notre modèle économique connaît une transformation profonde. Traditionnellement, nous vendions des prestations physiques : mètres carrés d'empierrement, mètres linéaires de tranchées. Aujourd'hui, nous commercialisons déjà des solutions énergétiques en kilowatts-crêtes dans le photovoltaïque. Cette évolution va s'accélérer : demain, nous proposerons peut-être des services de stationnement plutôt que la simple construction de parkings, ou des solutions de gestion de l'eau plutôt que des systèmes de récupération. Ma vision stratégique pour les prochaines années vise à développer un métier complémentaire à nos activités actuelles. L'entreprise comptera entre 110 et 150 collaborateurs, nous continuerons à accompagner nos clients sur notre territoire d'implantation, tout en réduisant notre empreinte environnementale. L'objectif demeure de conserver notre leadership départemental en tant qu'entreprise indépendante, sans jamais perdre cette proximité avec nos équipes qui fait notre force aujourd'hui.


Arnaud Daret :
Notre métier évolue vers plus de conseil et d'accompagnement. Nous continuerons à faire des travaux, c'est notre cœur de métier, mais nous vendrons de plus en plus notre expertise et nos conseils. Concrètement, au lieu de simplement exécuter ce qu'on nous demande, nous aidons nos clients à définir leurs besoins et à trouver les meilleures solutions. C'est ça que Régis appelle "fabriquer des recettes" : on mélange nos compétences techniques, on trouve les bons partenaires, on adapte tout ça aux contraintes spécifiques de chaque projet.

Crédit photo : ©Cyrille Vidal

La délégation est un investissement, pas un lâcher-prise

De quoi êtes-vous les plus fiers ?

Régis Roy : Notre plus grande fierté, c'est d'avoir une équipe soudée qui a traversé trois années particulièrement difficiles. Nous avons des collaborateurs présents depuis 20 ans, et pendant cette période de crise, nous avons enregistré moins d'absentéisme, moins d'accidents du travail, moins de turnover. L'équipe a fait preuve d'une solidarité remarquable. Beaucoup nous voyaient disparaître, mais aujourd'hui les gens recommencent à nous faire confiance.

Arnaud Daret : Ce qui fait notre force, c'est qu'on travaille vraiment en équipe. L'information passe bien entre tous les services, et quand il y a un souci sur un chantier, on ne laisse jamais quelqu'un se débrouiller tout seul. Que ce soit un problème technique, administratif ou commercial, on cherche la solution ensemble.Cette façon de fonctionner nous permet de réagir vite et bien, et les clients le sentent. Résultat : on attire maintenant l'attention de maîtres d'ouvrage qui ne nous connaissaient même pas avant et qui travaillaient exclusivement avec des entreprises nationales.

Un conseil à donner à un dirigeant de PME qui va reprendre une entreprise ?

Régis Roy : Mon premier conseil : rester fidèle à ses compétences et à ses convictions. Il ne faut pas chercher à tout révolutionner dès l'arrivée. Si on reprend une entreprise, c'est qu'on a des qualités et une vision. Il faut s'appuyer dessus plutôt que de se laisser influencer par l'existant. Au final, c'est le dirigeant qui assume toutes les décisions et leurs conséquences. Autant qu'elles correspondent à ce qu'il sait faire de mieux.

Arnaud Daret : Je complèterais en disant qu'il faut bien se connaître avant tout. Connaître ses forces, ses limites, ses motivations profondes. Et surtout, ne pas se laisser dénaturer par les conseils extérieurs, qu'ils viennent d'un réseau professionnel ou même de ses propres collaborateurs. Chacun a sa méthode, il faut s'écouter et faire confiance à son instinct.

Un dernier mot pour vos équipes ?

Régis Roy : Je tiens à remercier tous nos collaborateurs, anciens comme nouveaux, qui ont traversé ces moments difficiles avec nous. Leur fidélité et leur engagement ont été exceptionnels. Je veux surtout leur dire que ce sont eux les véritables artistes de notre réussite.

Axés sur la collaboration et la complémentarité

Pouvez-vous présenter brièvement vos parcours respectifs ?

Régis Roy : Diplômé en 1997, j’ai créé mon entreprise de travaux publics quelques mois plus tard. J’ai commencé seul, surtout en déplacement sur des bases militaires pour des travaux de terrassement, puis je me suis recentré sur le secteur montois à la naissance de mes enfants. J’ai testé le négoce de matériaux (2012–2014), avant de racheter une première entreprise avec deux carrières pour maîtriser la matière première. En 2018, j’ai racheté le groupe Baptistan avec cinq entreprises.

Arnaud Daret : J’ai débuté en 2001, côté industriel béton, où je suis resté 15 ans. À 36 ans, j’ai rejoint le projet de Régis pour intégrer une vraie dimension commerciale dans une entreprise de TP, avec un virage majeur : passer de la vente d’un produit à la vente d’un savoir‑faire. Nos débuts n’étaient pas simples : lui parlait technique et entrepreneuriat, moi commerce. Pendant quatre ans, nous avons appris à nous comprendre et à travailler ensemble.

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